Les questions de politiques africaines en littérature

Quand j’étais plus jeune, je ne m’intéressais pas du tout aux questions politiques. Il me semblait que les politiciens étaient tous des êtres corrompus jusqu’à la moelle et qu’il était quasiment impossible d’en tirer quelque chose de positif.

J’avais des rêves fous. Je voulais créer un centre éducatif pour les enfants de la rue, ouvrir des librairies pour les enfants de riches et des bibliothèques humanitaires pour les plus démunis. Je voulais le faire seule avec l’argent que je comptais gagner. Vous savez, la naïveté de l’enfance…

Lorsque j’ai rencontré Voltan en 2014, nos discussions ont très vite tourné autour de mes rêves. Comme toutes les personnes autour de moi, il était sceptique quant à la réussite de mes projets livresques dans un pays comme le Mali. Rien de nouveau, j’y étais habituée.

Ce qui était davantage intéressant, c’est qu’il m’a ouvert les yeux sur quelque chose de fondamentale : pour avoir un impact considérable, il faut d’une manière ou d’une autre l’intervention de l’Etat. L’idée serait de faire des partenariats avec les écoles publiques afin d’initier le plus grand nombre à la lecture et à la culture. Militer pour que certains livres soient mis au programme national.

Cet échange qui remonte déjà à quelques années a été une révélation. Il me fallait désormais maîtriser les questions politiques, m’imprégner des enjeux et en comprendre les codes. Bien plus tard, au fil de mes lectures, j’ai compris toute l’importance de l’engagement politique. C’est la condition sine qua non pour opérer des changements majeurs.

J’ai également réalisé que je posais des actes politiques au quotidien : lire pour moi est un acte de militantisme, mettre en avant des auteurs importants nourrit mon engagement politique, faire connaître l’Afrique à travers ses textes est un acte politique… J’ai des convictions et mon idéologie se construit progressivement au fil des pages.

C’est donc dans l’optique de me politiser davantage que je lis des textes qui dépeignent les coulisses des pouvoirs africains ou décryptent les enjeux économiques. Il est vrai que l’essai est le genre qui nous vient à l’esprit lorsque l’on pense à ce genre de sujets. C’est donc avec une agréable surprise que je les ai retrouvés disséqués dans deux romans lus récemment.

Le premier « l’ex-père de la nation » a été écrit par la Sénégalaise Aminata Sow-Fall. On y rencontre Madiama, un syndicaliste engagé qui se retrouve à la tête d’un jeune Etat indépendant.

C’est un homme plein de convictions. Il veut révolutionner les choses et porter secours aux plus démunis. Mais il se retrouve confronté aux programmes d’ajustement structurel imposés par les puissants. Et pour ne rien arranger, il est entouré de vautours. Chacun réclame sa part du gâteau. C’est son entourage qui gouverne par hypocrisie puis par chantage.

Madiama finit par se retrouver piégé au pouvoir. Et alors, pour survivre dans ce nouvel environnement hostile, il se révèle sous un nouveau jour…

Aminata Sow Fall nous démontre avec brio dans ce texte comment le pouvoir peut changer les hommes les plus vertueux. Tout le monde n’a pas la force de conviction de Modibo Keïta ou encore d’Abraham Lincoln.

Elle met en exergue l’importance de l’épouse et des proches conseillers dans la vie d’un chef d’Etat. Et exactement comme Mbougar Sarr dans « Terre Ceinte », elle nous démontre la fragilité idéologique des peuples et leur propension à changer de camp ou de héros.

Le deuxième roman est « tant que l’équateur passera par Penda » du Congolais Marien Fauney Ngombé. Le narrateur y raconte l’histoire de sa famille à travers l’accession de son père à de hautes fonctions.

On y découvre les coulisses du pouvoir à l’africaine avec les membres d’une famille entière aux postes clés du pays. Pour eux, il est tout à fait normal qu’un fils qui accède au pouvoir en fasse profiter l’ensemble des membres de la famille (frères, cousins, oncles).

Ce texte permet de porter un regard autre sur ces pratiques que l’on retrouve dans plusieurs pays africains. L’heureux élu qui occupe ledit poste est en réalité au pied du mur. Il n’a d’autre choix que de se soumettre aux exigences de sa famille au risque de se retrouver exclu.

En dehors du côté politique brillamment traité, Marien revient sur un pan de l’histoire de la république du Congo que les initiés savoureront avec délectations.

Pour finir, ce que j’ai par-dessus tout aimé dans ce roman, c’est l’attachement de l’auteur à ses racines. Cela se ressent à chaque fois qu’il parle de sa terre Penda. Il évoque avec une très grande fierté les rites d’initiations subis par son père et dépeint les traditions de cette terre mystérieuse traversée par l’équateur.

J’ai vraiment adoré ce roman !

Avec passion,

Dyna.